Décoration marinenoeuds marins & matelotageBretagne, Moguériec

Les Carnets d’An Kamparzh Koz – L’histoire de Moguériec en pelotes de légendes…

Les « Carnets d’An Kamparzh Koz », c’est toute l’histoire de Moguériec qui se légendifie. Sur le quai, de jasettes en parlures, on verbalise beaucoup, on tricote des bribes de conversation, on file des pelotes de légendes…et la légende du banc de sable est grande  !

Dans sa maison blottie au cœur de la dune, le vieux « Kamparzh » conte, r’conte et r’conte encore…

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Port de Moguériec vers 1935 – De gauche à droite : le « Saint-Paul » (MX 2718), la « Marguerite » (MX 2728), ?, le « Charles Martel » (MX 2761), le « Notre-Dame d’Espérance » (MX 2701), ?,  la « Fleur de France » ( MX 2915) , la « Mimi » (MX 2901) – Collection Piriou

Il parle de l’histoire de sa vie, de l’histoire du port de Moguériec et le « mousse » n’en perd pas une miette !

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Mémoire du Gulf Stream…

Une petite maison de pêcheur se blottissait au cœur de la dune. Elle semblait régner sur la Baie de Moguériec, en souveraine absolue, embrassant d’un seul regard les roches de « Toul An Aman Rouset » et celles de « Roc’h Ar C’had ».

Depuis la nuit des temps, les vagues battaient à ses pieds les flancs sableux de la pointe de Beg-Ar-Rest puis, exténuées, elles se réfugiaient pour un moment au-delà de Karreg-An-Denved avant de se lancer à nouveau à l’assaut de cette citadelle imprenable. Jamais pourtant le frêle esquif n’avait vacillé, ignorant les affres des rafales qui traversaient les océans pour achever leurs courses  aux portes du Guillec. Ses fondations semblaient plonger dans le sol à la fois meuble et léger de ce bout du monde, telles les racines de l’oyat, retenant le sable, fixant la dune autour d’elles.

Gardienne de l’histoire immémoriale des lieux, la petite maison du pêcheur illuminait la grève toute proche de l’éclat de sa lanterne. Par ses carreaux embués, sur lesquels le vacarme des vagues et du vent avait vomis ses embruns iodés, jaillissait une lueur pénétrante. Sirène avenante ou sentinelle de lumière enchâssée sur la côte, ils furent nombreux à s’échouer sur son seuil de granit au fil des marées.

« A l’époque, tout le monde avait un surnom, toutes les familles avaient un surnom. Nous, on était les « Kamparzh » ! J’sais même pas ce que ça voulait dire ni d’où ça v’nait… An Kamparzh Koz…

Ici vivait An Kamparzh Koz. Un coup d’œil circulaire dans la cour pour vérifier la présence de la charrette à bras ou de l’aviron de la plate, quelques graviers roulés sous les semelles pour se faire annoncer, le front posé sur l’imposte froide du sous-sol pour ne point l’effrayer, cérémonial emprunt du respect que le mousse devait à son patron. La Iourde porte en bois aux couleurs de ses bateaux une fois poussée, tout sentait la mer…

Enchevêtrements de manilles usées par des corps-morts antiques, amoncellements de plombs et de lièges, de bouts et de filets impatients de recevoir des demi-clés réparatrices, pièces de chêne ouvragées prêtes à rejoindre les plats-bords d’un canot soixantenaire désormais sorti de flotte, autel de pierre incisé par des lames affutées avec soin qui travaillèrent poissons et crustacés au retour d’innombrables marées, merveilleuses alliances avec la mer que ces bouées-couronnes rongées par le sel sur lesquelles se devinaient encore les patronymes des bateaux familiaux, balançoire immobile précieux écrin des rires enfantins d’autrefois, valeureux outils en tout genre témoignages des mille métiers de la mer qu’exerça An Kamparzh Koz en soixante années d’embarquement à la pêche.

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Port de Moguériec juste au sortir de la seconde guerre mondiale – Le « Saint-Jean », la « Sainte-Anne », le « Morvran »au premier plan

Des surnoms comme ça, y’en avait plein, on disait les « Koz Kanol », les « Gerok », les « Bitugen, « Tuaz », « Jean Bart du Bord », « Jean-Mari Go »… et tout le monde savait de qui il s’agissait.

Au centre de la pièce se tenait le trône d’An Kamparzh Koz, humble chaise toute de formica vieilli. Le navire amiral était accompagné de son canot, un petit tabouret de bois rougi abandonné par l’armée allemande, sur lequel gisaient les navettes toutes apprêtées et le canif vieilli.

Soutenant la petite masure, comme le patron avait soutenu ses équipages, une colonne de cordages supportait bottes et cirés tandis que de gigantesques étagères taillées pour accueillir les brins de feuillards de châtaigniers des authentiques casiers à langoustes fermaient la perspective. Ici, sur fond de radiophoniques airs d’accordéon, dans la lumière blafarde d’une baladeuse à vivier, riche d’une anthologique vie de mortes-eaux, se tenait An Kamparzk Koz.

« Ah, je savais, je savais que tu serais venu me voir… Oui, toujours au poste ici, toujours pareil, l’accordéon, mon pull-over déchiré, c’est la dèche quoi ! Alors, t’as pas des choses à me demander ? Quoi alors ? »

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Port de Moguériec dans les années 60 – La « Marie-des-Isles » et le Steredenn-An-Esperans dans l’anse de Koz Kanol

Mon père c’était « An Kamparzh Koz », moi j’étais « An Kamparzh Vian »… Aujourd’hui « An Kamparzh Koz » c’est moi, mais plus personne ne s’intéresse à ça… »

An Kamparzh Koz s’assit, engagea sa navette dans les mailles abîmées d’un filet à araignées et se mit à raconter au mousse l’histoire de sa vie, l’histoire de son port, le port de Moguériec, l’histoire d’une époque révolue et d’un présent qui ne cesse de s’écrire, l’histoire d’une épopée maritime collective, d’une aventure humaine sans pareille, l’histoire du courage de ces familles de marins-pêcheurs dont chaque grain de sable porte ici la mémoire, l’histoire d’un métier de dureté et de beauté.

Ainsi parla t-il…

Le « Foroc’h » et la « Claudine-Jocelyne », inséparables vert et rouge…

Dans sa maison blottie au cœur de la dune, le vieux « Kamparzh » conte, r’conte et r’conte encore…

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