Décoration marinenoeuds marins & matelotageBretagne, Moguériec

Une histoire de bateaux…

Le Comptoir de la Fleur de France c’est d’abord une histoire de bateaux… Parce que la Fleur de France, c’est une coque de bois, puis une autre, et encore une autre et la « bonne femme » a navigué jusqu’en 2019 ! Une épopée maritime comme il y en eu tellement dans le Moguériec de l’ancien temps, dans le Moguériec de la pêche hauturière…

L’histoire s’est passée dans le temps où c’est que du temps, il y en avait encore…et le « mousse » les a gardées enfouies dans le creux de ses petites mains de rêves…

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« Pêcheurs » de Bruno Le Floc’h

La « Fleur de France » à Granville – G1488 (1926-1937)

« La conterie commence en 1926, quand Raymond Servain, après avoir construit avec son frère la Janette et l’Aurore, reprend son crayon et trace les plans d’une nouvelle bisquine, la Fleur de France pour le compte de Julien Touquerant, pêcheur à Granville.

La construction est effectuée par Raoul Hardoin, Jean Saillard, Yves Charles, Blin, Anokhine et Arthur Legros, charpentiers de marine.
Alignant ses 14,71 tonneaux, la bisquine mesure 13,70 mètres de longueur, 4,33 mètres de largeur pour 2,40 mètres de tirant d’eau. La Fleur de France porte le numéro G1488.

La "Fleur de France" de Granville - G1488

La Fleur de France à Granville (G1488) – Collection Patrick Quesnel

Julien Touraine en sera le patron jusqu’en 1929, date à laquelle la Fleur de France devient la propriété de Georges Quesnel, patron pilote de Granville. Un moteur de 18 chevaux à huile lourde et hélice réversible 2 pales est installé à bord. Le bateau vibrait au point « qu’il ne fallait pas laisser son couteau sur la lisse  » d’après Charles Thélot.

En 1930, Georges Quesnel transforme le gréement de la « Fleur de France » et lui installe un moteur plus puissant de marque Bolinder (30 chevaux). Il fera la pêche au chalut à bâton, assurera le pilotage de la station de Granville ainsi que le transport des passagers pour Chausey. De couleur grise au pavois blanc, elle porte sur son flanc un liston jaune et une belle ancre de marine dans la grand voile.

En 1937, l’histoire de la Fleur de France prend un nouveau tournant. Elle est vendue à un marin pêcheur de Moguériec, Jean Abjean. Celui-ci fera couper sa fine voûte, installer un vivier pour la pêche aux crustacés et réduire encore son plan de voilure.

La bisquine naviguera en Manche avec Jean Abjean jusque dans les années 60. Elle sera ensuite vendue en Irlande, à Crookhaven, où elle terminera sa carrière dramatiquement : un jour de gros temps, la chaîne de son corps-mort se brisa et elle se fracassa sur les roches du port. »

Photo et texte tirés du livre de Patrick Quesnel « Les dernières Bisquines de Granville du Chantier Servain »

La « Fleur des Ondes » à Moguériec – MX 3875 (1956-1976)

« Et l’histoire continue à se transmettre de bouches de pêcheurs à oreilles de plaisanciers…

La Fleur des Ondes a  été construite au Chantier Rolland de Primel (Le Diben) pour le compte de Jean Abjean Père, patron-pêcheur de Moguériec  entre 1953 et 1956. C’est alors la plus grosse unité sortie du Chantier Rolland.

La "Fleur des Ondes" dans les Chantiers Rolland de Primel (Le Diben) entre 1953 et 1956

La Fleur des Ondes dans les Chantiers Rolland de Primel (Le Diben) entre 1953 et 1956 – Collection Jean Abjean

Baptisée en Mars 1956 par l’Abbé Lalouette à l’occasion d’une cérémonie présidée par l’Abbé Le Hir, la coque de la Fleur des Ondes  avait revêtu ce jour-là une robe parfaitement blanche, sa peinture n’ayant pu être faite à temps … Ce n’est que quelques jours plus tard qu’elle prendra les couleurs vertes de la famille Abjean, ce si beau vert « Joséphine »… Albert Danielou, Maître Timonier, en fut le parrain, Madame Azou, la marraine. La Fleur des Ondes vit le jour à une époque où l’on abandonnait progressivement la propulsion à voile au bénéfice de la mécanique… Bateau de pêche dit « bâtard », elle se déplaçait à la voile et au moteur.

Le baptême de la "Fleur des Ondes" en Mars 1956

Le baptême de la Fleur des Ondes en Mars 1956 – Collection Jean Abjean

La Fleur des Ondes fut entièrement construite en chêne, à l’exception de son solide pont en pin d’Oregon. Son mât provenait d’un trois-mâts et il avait du être raboté à la main pour lui donner un diamètre proportionnel à sa hauteur. Sa « garde-robe » comportait alors 7 voiles : grand-voile, flèche, artimon, génois, foc, trinquette et voile d’étai (pour la parade !). Sa grande voile aurique de 60 m2 reposait sur un mât assez court mais sur une bôme de 7 mètres tout de même ! Son artimon, aurique également et situé à l’arrière de la timonerie, lui permettait avec ses 35 m2 d’être classée dans la famille des « dundee ». Avec sa petite trinquette à l’avant, cette surface de voilure était suffisante pour pêcher et faire route dans les allures portantes. Au près, ces voiles lui permettaient de bien se caler tout en naviguant au moteur, l’empêchant ainsi de rouler.

Avec ses 17 mètres et ses 48 tonnes, tout à bord était pensé pour la pêche, les 7 membres d’équipage, patron compris, ne disposaient que de 12 petits mètres carrés sous la timonerie comme pièce de vie. Tous les autres espaces libres étaient destinés à stocker les quelques 700 casiers que transportait alors le bateau.

La Fleur des Ondes  pêcha la langouste en Manche et en Mer du Nord. Son vivier (de 25 m2 sur 1.50 mètre de hauteur) pouvait en contenir jusqu’à 9 tonnes et son équipage constitué de 7 solides gaillards, ne rentrait que lorsque celui-ci était plein ! Il fallait environ 8 jours pour y parvenir… C’était l’époque fantastique de la pêche à la langouste, temps d’autrefois ou l’on rejettait par dessus-bord homards et tourteaux !!!

Jean Abjean Père pris sa retraite en 1970. La Fleur des Ondes  continua à naviguer quelques années encore avec Jean et Guy, ses fils, à bord. Vendue à Michel Bocher, patron-pêcheur de Loguivy-de-la-Mer elle prit ensuite ses quartiers à Paimpol. La mémoire de la Fleur des Ondes plana encore longtemps sur les quais du Port de Moguériec, Jean Abjean Fils fit construire la Fleur de France, Guy Abjean son frère lança le Caprice des Ondes

Des histoires de sciure, de sueur, de membrures et de bordées, de langoustes et de levées que l’on ne cesse de machouiller !

La « Fleur de France » à Moguériec – MX 383058 (1976-1983)

Même les trous de la mémoire prennent des couleurs…

En Octobre 1976, la Fleur de France, caseyeur hauturier du Quartier Maritime de Morlaix, sort du Chantier Albert Péron de Camaret pour rejoindre Moguériec.

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Port de Moguériec en 1979 – La Fleur de France – Collection Daniel Corolleur

Elle devient la plus belle salle de jeux du « mousse » qui y passe ses journées de vacances ! C’est en traînant sur le port, en déambulant entre les casiers fait à la main en feuillards de Dordogne, en décapant le treuil, en descendant dans le vivier rempli à bloc, en chargeant la « boëtte », en rangeant les outils, en lovant les orins que le virus de la pêche a saisi le « gamin ». C’est en matelotant, sous le regard attentif de son « patron » qu’il a grandi, c’est l’amitié de ce « patron » qui a fait de lui un peu ce qu’il est aujourd’hui. Il n’a jamais oublié et il sait ce qu’il doit à cette tendre époque !

 

La « Fleur de France » est une « lady » depuis 1983 et elle a continué à fendre les vagues jusqu’en 2019 – J86

Vendue en 1983 à Plougasnou (Le Diben), elle a « fait cap » ensuite sur Jersey où elle s’est mise à l’heure anglo-saxone ! Vous pouviez la croiser jusqu’en 2019 au large de l’Ile de Man dans les confins de la Mer d’Irlande… Certes, elle aura préféré les bulots aux tourteaux, la belle en est d’ailleurs devenue toute bleutée, mais son cœur est resté fidèle à Moguériec ! Elle porte avec fierté sur sa poupe de légende son nom de toujours, « Fleur de France ».

L’histoire s’est passée dans le temps où c’est que du temps, il y en avait encore…et le « mousse » les a gardées enfouies dans le creux de ses petites mains de rêves…

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